Billet 9 – 15 avril 2024 - Entraver ou libérer ?
« J’ai tendu des cordes de clochers à clochers, des guirlandes de fenêtres à fenêtres, des chaines d’or d’étoile à étoiles, et je danse. » Arthur Rimbaud
Ma première tentative de tissage d’un espace ouvert s’est appelé « Cube à tisser » : une structure cubique de 2m26 de côté qui fut activée au Salon Mac Paris en 2011. Des bobines de fil de laine étaient mis à la disposition du public avec une petite plaque à graver pour laisser la trace de son passage dans l’œuvre sculpturale.
Puis j’ai imaginé des tissages de rues avec des fils de coton stretch recyclables agréables à toucher. Une chorégraphe et danseuse, Elodie Bergerault s’en est mêlée. Elle a improvisé des mouvements dans les fils tissés par le public, accrochés à un banc, un poteau ou un arbre. C’est devenu « Ouvrage de rue », une action artistique que nous avons conçue et réalisée dans différents lieux et contextes, à Paris surtout.
Imaginez l’espace public perturbé par des fils de couleurs qui vous empêchent d’avancer, que vous devez soulever ou contourner…La danseuse est là pour vous inspirer, transformer votre mouvement, vous avez envie de vous arrêter de regarder, mais plus encore, de participer. Des bobines de fils sont à votre disposition dans différentes couleurs et longueurs et vous voilà cherchant le point d’accroche, regardant les autres et la rue autrement. C’est joyeux, ça fonctionne, les mouvements de la danseuse vous donnent envie, la rue a changé d’allure, vous faites une pause…
En poursuivant l’idée du tissage dans la rue, une « Œuvre en ville » a été conçue pour être itinérante et pour inviter à différentes propositions artistiques dans un volume cubique. Notamment, celle d’un tissage complété de la possibilité d’écrire un mot.
Peu à peu, une grande toile de fils se constitue à l’intérieur, chaque fil posé à un sens pour quelqu’un. La toile devient mouvante, et vibrante de mots laissés par les passants. La longueur des fils, leurs couleurs, les papiers spéciaux destinés à laisser un mot, tout a été mesuré et pensé. Ensuite, c’est le hasard de la rencontre d’un public avec une œuvre à faire vivre.
« J’ai désiré aller plus loin que l’allée centrale au-delà des parterres interdits, raccrocher ou rapprocher des morceaux d’espace au cœur de la place » - Roland (47 ans)
« Moi je vais devenir funambule pour faire ça » - Aran (10 ans).
« Une belle idée pour amener le regard sur l’espace qui nous entoure et perdre avec plaisir un peu de temps » - Camille (22 ans)
« Cela me fait penser à la liberté d’expression » - Thilou (29 ans)
Tendez un fil dans la rue, faites quelques pas de danse, et vous verrez que le monde bouge : vous, l’espace autour, les autres.
Véronique Le Mouël